Avons-nous besoin de l’Art ?

Texte écrit et lu par Michèle Noiret lors de l'ouverture du KunstenFESTIVALdesArts, le 2 mai 2003

KunstenFESTIVALdesArts, 2003

Avons-nous besoin de l’Art ?

On pourrait formuler la question de façon moins générale et se demander à quoi l’Art sert et quels sont les rôles qu’il est appelé à jouer ?

L'Art et la création ont d’abord une fonction individuelle : ils changent la vie, ils donnent à imaginer un monde plus satisfaisant, plus vivable. Ils ont aussi une fonction sociale : un groupe humain peut se reconnaître dans des œuvres artistiques, expressions individuelles qui nourrissent la mémoire effervescente sur laquelle les êtres fondent leur existence au-delà de ce qui est circonstanciel.

L’Art se manifeste dans toutes les sociétés humaines, même s’il ne porte son nom que depuis une époque assez récente. L’Art n’a pas de rôle parce qu’il est dans sa nature d’être imprévisible dans le moment de sa création, et inépuisable dans la jouissance qu’il provoque. Espace de liberté et de rupture, il est irruption du non-encore-dit et de l’imaginaire.

L’Art est une pensée de l’être aussi essentielle pour le moins que la science à laquelle sont vouées des sociétés techniquement hypertrophiées.

L’Art est une réflexion sur le monde et les êtres par les moyens de la sensibilité, de l’imagination, du hasard intérieur de la spontanéité du désir de l’homme : il dit nos angoisses, il exprime nos sentiments et un certain désir de plénitude qui nous habite.

L’Art représente la volonté de découvrir, la passion de créer, le désir de jouir de soi-même et du monde, l’obsession de se comprendre et de rêver une réalité qui soit à la hauteur de nos rêves et de nos désirs.

Sous toutes ses formes (que ce soit la peinture, la musique, la littérature, le cinéma, la danse…) l’Art est un moyen et une raison de vivre d’une certaine façon :

Il inspire autant qu’il est inspiré

Il pousse des êtres à se donner un sens qui en incite d’autres à mieux se connaître

Il est irruption dans l’homme de cette dimension si proprement humaine que nous nommons le sacré

L’Art accroît l’homme d’une mémoire de lui-même à travers le temps, mémoire sensible, sensuelle, intelligente qui vient de la vie des hommes et retourne à leur vie.

Alors que les techniques et leurs machines, qui sont l’écume nécessaire des jours, deviennent désuètes dans l’instant même de leur invention.

L’Art d’où qu’il vienne, aide à vivre.

Avons-nous besoin du KunstenFESTIVALdesArts ?

Il est rare de rencontrer quelqu’un qui dirige un festival et qui le conçoit, me semble-t-il comme une œuvre d’art, comme une création, en tout cas.

Il est passionnant de pouvoir en tant qu'artiste contribuer à une telle diversité et de rencontrer ces autres artistes qui font cette diversité. Et tout cela sans être le faire valoir d’un « coup » médiatique, d’un « événement ».

C’est un privilège, pour un artiste de faire partie d’un tout aussi riche dans sa diversité qu’équilibré dans sa cohérence.

Bruxelles est plus que jamais Bruxelles en ce mois de mai, une ville multiculturelle où le métissage est un richesse, une beauté et une source de création bien plus importante et plus essentielle que tous les clivages « politique-linguistiques ».

Oui, nous avons plus que jamais besoin du KunstenFESTIVALdesArts.

Wednesday, 30 April 2003
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